Le roman culte post-apocalyptique de Richard Matheson « I am Legend » (1954 quand même) se voit une nouvelle fois adapté sur grand écran, cette fois-ci par Francis Lawrence, responsable précédemment d’une autre adaptation, de comics cette fois-ci, « Constantine » (avec un Keanu Reeves à l’époque à ce point auréolé du succès de la saga Matrix que certains considéraient ce film comme le Matrix 4.).
Après avoir été incarné par Charlton Heston dans l’inéna(nar)rable « Le survivant », le personnage du dernier homme sur Terre Robert Neville est cette fois-ci interprété par la méga star Will Smith .
Après un « Constantine » bien trop consensuel en rapport au comics ouvertement anti-conformiste, rentre-dedans et limite nihiliste et le calibrage PG-13 induit par l’utilisation d’une star aussi grand public, autant dire que l’on attendait plutôt patiemment ce film.
Mais n’oublions pas que Smith fut un incroyable Ali dans le film de Mann, jouant parfaitement la partition de ce personnage perdu parmi la foule, dont les prises de positions l’isolait de sa famille comme de sa communauté, bref, Will Smith interprétant un personnage seul dans le monde. Et puis, dans « Constantine », la vision dantesque que Lawrence donnait de l’enfer était plutôt originale et assez stupéfiante.
Et malgré les nombreux griefs que l’on peut trouver et opposer, le charme opère. Bien que le texte de Matheson soit foncièrement trahi, Lawrence livre une adaptation personnelle, une variation de la même histoire très marquée action et qui pourtant rend parfaitement justice à ce personnage solitaire par force et finalement par la nature même de son job.
Robert Neville était un savant de haut niveau et de réputation mondiale, mais il en aurait fallu plus pour stopper les ravages de cet incurable et terrifiant virus d'origine humaine. Mystérieusement immunisé contre le mal, Neville est aujourd'hui le dernier homme à hanter les ruines de New York. Peut-être le dernier homme sur Terre... Depuis trois ans, il diffuse chaque jour des messages radio dans le fol espoir de trouver d'autres survivants. Nul n'a encore répondu.
Mais Neville n'est pas seul. Des mutants, victimes de cette peste moderne - on les appelle les "Infectés" - rôdent dans les ténèbres... observent ses moindres gestes, guettent sa première erreur. Devenu l'ultime espoir de l'humanité, Neville se consacre tout entier à sa mission : venir à bout du virus, en annuler les terribles effets en se servant de son propre sang.
La civilisation humaine maintenant disparue laisse place au règne végétal (New-York envahit par une flore sauvage) et animal (biches, lions, infectés…). Une peinture sidérante et saisissante de cette ville se transformant en une jungle cette fois-ci primitive. Que ce soit dans le film ou le livre, le but de Neville est de survivre. Mais la manière diffère. Will Smith tente de ranimer l’espoir d’un vaccin curatif en pratiquant des expériences in vivo, tandis que le Neville du livre est totalement enfermé dans une routine exterminatrice et pathétique.
Evacuons d’emblée la comparaison avec le roman. D’une puissance évocatrice étonante, le livre ne vous lâche pas jusqu’à la dernière page. Dépeignant le quotidien angoissant et dramatique de ce dernier rempart de l’humanité contre une société devenue vampire. Ainsi, les journées de Neville sont elles rythmées par la traque et l’exécution de ses anciens voisins, amis ou simples quidam devenus créatures de la nuit et qu’il extermine le jour. Un homme qui remplit la fonction laissée vacante par ces figures mythiques que sont les vampires. Neville, dernier obstacle au développement absolu de la nation vampire et dont la lutte pour sa survie en fera…une légende.
Point de vampires dans ce film, le terme « infectés » désignant dorénavant le résultat de toute altération de la nature humaine, les zombies de « 28 jours plus tard » de la suite « 28 semaines… » ou même du « Planet terror » de Rodriguez étant qualifiés de la sorte. Ces infectés sont ici entièrement générés en CGI (par ordinateur) mais ‘est leur aspect factice qui demeure le plus dérangeant. Ceci dit, les scènes où ils interviennent fonctionnent parfaitement de par leur déplacement en meute et leur propension à grouiller et se déplacer sur toutes parois tels des rats. Si on devine l’influence des reapers de « Blade II », ils n’en restent pas moins des cousins assez proches des crawlers de « The Descent ».
Alors que la bande-annonce était ouvertement orientée vers du tout action, le film s’avère plus contemplatif bien que livrant des séquences remuantes et angoissantes plutôt bien réussies : la prise d’assaut de la maison de Neville par cette horde d’infectés, la visite d’un nid d’un Neville venu avant tout récupérer son seul compagnon, son chien.
Car c’est définitivement dans la transcription de la solitude de Neville que le film est le plus marquant. Un quotidien morne et routinier, rythmé par la recherche de vivres, les expériences, un message lancé chaque jour au même endroit et à la même heure et par ses visites aà son vidéo-club favori. C’est là qu’il rencontre les derniers représentants de sa race, de simples mannequins. Sans doute disposés là par un Neville véritablement angoissé et névrosé, soucieux de retrouver un semblant de normalité dans un monde qui a basculé. Mais c’est bien plutôt pour garder intact son désir de socialisation qu’il joue cette comédie des relations humaines, discutant avec ces mannequins et espérant follement qu’ils lui répondent.
C’est ainsi que notre Neville organise sa survie. Préserver un ilôt de sociabilité au milieu de ce chaos ambiant et ainsi marquer sa différence quand les autres habitants de la ville, les infectés, ne sont plus que mus par l’instinct.
Alors oui, ce film n’est pas parfait. Mais les clichés et écueils de la narration s’intègrent asse bien à une intrigue et une résolution assez classique. Cependant, une scène vaut à elle seule le détour. Celle où les infectés utilise le désir de normalité de Neville pour le piéger comme un animal. En déplaçant le mannequin Fred, ils sèment le doute dans l’esprit des spectateurs (qui en viennent à s’interroger sur la santé mentale du « héros ») et la confusion dans celui de Neville qui se met à invectiver et rudoyer Fred qui n’a absolument rien à faire ici. LA scène casse-gueule par excellence qu’une V.F assez quelconque ne parvient même pas à briser. Pertinente et dramatique, constamment sur le fil du rasoir, cette séquence se conclue par une attaque qui fera perdre à Neville ses dernières illusions et surtout sa dernière balise d’humanité, figurée par sa chienne Sam.
« Je suis une légende » est un très bon film, une vraie bonne surprise à voir sans arrières pensées. Certains clameront fort justement que Matheson a été trahi. Il n’en reste pas moins que Francis Lawrence a su en tirer une variation tout aussi intéressante.
Cependant, il est vrai que cela demeurera toujours en deçà de ce que nos esprits de pur geeks pouvons fantasmer sur une hypothétique adaptation par le génie Guillermo Del Toro. Celui-ci préférant décliner l’offre pour s’en aller tourner la suite de Hellboy « The golden army ».
Bonjour,
Pour faire simple et efficace (je ne prétends pas avoir la prose de "House of geeks") mais c'est un film (pour moi) de haute qualité.
Une ambiante oppressante et des scènes d'actions, il faut le dire, très bien réalisés.
Sérieux il ne faut pas le manquer.
PS : House of geeks JTM (ça, c'est super perso mais tant pis) embrasse qui tu sais ;-)