Cinéma
Publié le 12/04/2010 à 22:55 par houseofgeeks
Compte-rendu un peu tardif du festival de Gérardmer dont la 17 ème édition s'est déroulée du 26 au 30 janvier 2010 mais il n'est jamais trop tard pour bien faire...
Pour sa 17ème édition, le festival de Gérardmer représente un étonnant reflet d’un monde rendu fou par les crises financière (difficulté à lever les fonds d’organisation), environnementale (la tempête de neige égayant les pérégrinations des aficionados) et spirituelle, les films sélectionnés renouant pour la plupart avec des croyances (ésotériques, scientifiques, religieuses…) capables de rasséréner des personnages en perdition ou en bute avec une dualité métaphorique et parfois littérale.
Des films qui pour la plupart ne conservent qu’un lien de plus en plus ténu avec le fantastique, remisant le surnaturel, l’inexplicable ou l’onirique comme simple argument contextuel pour justifier l’appartenance au genre de récits avant tout marqués par une effroyable authenticité et notamment la perte d’un enfant, terrible thématique qui va infuser une partie des films projetés. Ainsi Possessed du coréen Lee Yong-Ju montre une jeune femme se heurtant à un voisinage travaillé par ses démons et des apparitions dérangeantes pour retrouver sa sœur. Fortes perturbations également pour l’héroïne de Dans ton sommeil, de Caroline et Eric Du Potet, transfère son affection pour son fils décédé sur le jeune homme qu’elle vient de renverser en voiture et qui prétend être poursuivi par un tueur. Ici, peu d’attaches à un univers horrifique ou fantasmagorique si ce n’est quelques épanchements sanglants et une séquence (ridicule) de rêve émaillant la fin de ce téléfilm de luxe. Enfance meurtrie également pour Les Témoins du mal, de Elio Quiroga, qui propose un film de fantômes espagnols appuyant vigoureusement ses effets en convoquant sans finesse La Maison du diable, L’Orphelinat ou L’Exorciste pour une histoire mêlant persécution franquiste de l’enfance, secrets d’une Eglise pas très catholique et déni de mortalité mais dont la construction trop mécanique et convenue peine à convaincre. Le second film espagnol de la sélection, Hierro de Gabe Ibanez, aborde lui aussi un cas de disparition, cette fois-ci dû à l’inattention de la mère. Une faute similaire est imputable à David, le héros de The Door (grand prix réalisé par Anno Saul) qui laisse sa fille sans surveillance près de la piscine. Tandis qu’une chance est donné au père d’éviter la mort de son enfant en empruntant un passage le ramenant au moment du drame, Maria (magnifique Elena Anaya) va continuer à errer sur cette île à la recherche de son fils dont elle est persuadé que le cadavre présenté n’est pas le sien. Un deuil impossible générant deux traitements différents. Hierro se démarque par un environnement propice aux hallucinations et autres visions cauchemardesques mais dont la sécheresse des paysages désertiques (accentuée par une photo remarquable) renvoie à la sécheresse des sentiments à l’encontre de Maria. Tandis que The Door se distingue par un quartier résidentiel d’une banalité confondante qui sera peu à peu parasité par des déraillements comportementaux liés à cette porte fabuleuse.
Duels
Plus souvent diffuse que clairement exprimée, la teneur fantastique agit pour révéler en premier lieu des psychés perturbées. Un parti pris pas toujours payant mais qui impose de questionner la manière d’envisager le genre. A cette approche presque naturaliste s’oppose une confrontation directe avec des codes et motifs récurrents comme envisagé par Halloween II de Rob Zombie et le retour brutal de Michael Myers, Splice de Vincenzo Natali et sa créature dangereuse sous tous rapports (physiques, éthiques, moraux), Doghouse et ses zombettes voulant bouffer du mâle dominant, Survival of the Dead de Romero et ses zombies voulant bouffer du…cheval ( ?!) ou La Horde de Dahan et Rocher et ses zombies des cités voulant bouffer des flics, des gangsters et René. Une dualité stylistique qui opérera au sein du seul Amer (Hélène Cattet et Bruno Forzani) où giallo et expérimentations esthétiques accouchent d’une œuvre concept sans aucun intérêt narratif mais plutôt sensitif. L’héroïne très perturbée par la découverte de ses propres désirs affichant une dualité intime proche de la schizophrénie. Un état de folie près d’atteindre les protagonistes de l’excellent film québecquois 5150, Rue des Ormes d’Eric Tessier où il est question d’une séquestration virant à la confrontation obsédante entre le geôlier et son prisonnier. Une dualité enfin, illustré de manière plus physique dans l’un des deux films de S.F du festival, Moon de Duncan Jones puisque l’astronaute chargé de maintenir une station lunaire rencontrera peu avant son retour sur Terre, un autre lui-même.
Un festival plus homogène qu’à l’accoutumée et faisant de plus en plus la part belle aux premières réalisations. Une manière d’injecter un peu de sang neuf (et de recul ?) dans un paysage horrifique parfois rébarbatif à force de traitement frontal et rentre-dedans ou symptomatique de la difficile émergence de nouveaux maîtres du genre ? Peut être le retour de Big John (pour la 18ème édition ?) définira t’il la nouvelle tendance…
Pour un panorama beaucoup plus complet (avec notamment la masterclass de McTiernan, la compétition courts-métrages, etc...), voir l'article pondu par mes soins sur le blog de la revue Versus :
http://versusmag.wordpress.com/category/festival-de-gerardmer-2010-a-chaud/
Publié le 04/08/2009 à 00:14 par houseofgeeks
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En plus de 40 ans, les diverses incarnations de Star Trek n'ont jamais suscité qu'un intérêt poli de la part de la critique, la qualité de certains produits étant plutôt variable. Mais puisque le plus geek des réalisateur s'y colle, la donne a changé. Désormais, traîner toute la journée en pyjama, c'est cool.
Star Trek, comme tous les films adaptant des comic-books, jeux de rôles, littérature fantastique, jeux vidéos ou plus généralement de genre (horreur, S.F, espionnage...), c'est geek. Donc forcément, un film réalisé par le roi des geeks, ça va plaire aux geeks. Pas question dans ces conditions de rater le train de la geektude pour les médias, chacun y allant de son compliment.
D'autant que les non spécialistes de cet univers foisonnant peuvent y trouver leur compte, puisque ce nouveau film propose de raconter la formation de l'équipage historique. Même les réfractaires à Star Trek ont entendu parler de Kirk et compagnie. Si l'on en croit diverses critiques, mission accomplie, le film est un bon divertissement de S.F et l'univers de Roddenberry est respecté. D'accord, on ne s'ennuie pas, le film est vraiment trépidant par moments et le plaisir de voir se constituer cette équipe mythique suffirait presque. Seulement voilà, si c'est pour assister à un spectacle son et lumière sans âme, autant se tourner vers le spécialiste en la matière, Michael Bay et ses joujoux extras qui font Crac, Boul, Uhuuu !
Au-delà du nécessaire travail d'adaptation et de trahison à effectuer pour fournir une relecture convainquante et attractive, le traitement humaniste des émissaires de la paix de Starfleet laisse non seulement à désirer mais s'avère éthiquement douteux. Mais le plus important n'est-il pas que Abrams « relance avec succès cette franchise qui tronque le kitch désuet pour les effets spéciaux spectaculaires. » comme l'énonce le site Critikat.com ?
Au recommencement
Né de l’imagination de Gene Roddenberry en 1966, l’univers Star Trek se décline en 6 séries télévisées, des romans, des jeux vidéos et autres gadgets et bien sûr dix adaptations sur grand écran dont Abrams livre la dernière en date. Pas vraiment le onzième film de la série puisque le créateur de la série Alias tente de s’extraire d’une mythologie oppressante, ni vraiment une relecture complète car pour ne pas se mettre les fans pur et durs à dos, il prend soin d’insérer de multiples clins-d’oeils et références. Autrement dit, Abrams fait du neuf avec des vieux. Reprenant les personnages emblématiques ayant popularisé la série à travers le monde, soit l’équipage originel de l’U.S.S Entreprise, dans une version plus jeune et plus contemporaine des Kirk, Chekov, Sulu, MacCoy, Scotty et bien sûr Spock, le film s’appuie sur les motifs désormais bien assimilés du space-opéra pour, à coups de voyages temporels et autres paradoxes, former une réalité alternative où nos jeunes cadets pourront fourbir leurs armes. Parti pris plutôt malin au service d’une intrigue finalement assez simple, un méchant romullien veut se venger de la « trahison » du Spock du futur en détruisant sa planète dans le passé. Une aventure rythmée aux effets-spéciaux pétaradants malheureusement amoindrie par une réalisation sans ampleur et se bornant à illustrer, certes avec efficacité, le scénario.
Il est d'ailleurs étonnant de voir un tel reboot commandé à Abrams, non-fan autoproclamé de la franchise. On doit y voir surtout la volonté de jouer sur les deux tableaux, commercial (attirer une clientèle nouvelle) et nostalgique (rassurer les fans). Ce serait presque réussi si le film n'était pas caviardé de passages se voulant drôles comme les mains et la langue de Kirk se déformant sous l'effet du sérum injecté par Mc Coy et surtout s'il s'était agi de respecter un minimum l'idéologie et la philosophie qui imprégnaient l'oeuvre de Roddenberry. Mais Abrams préfère la carte bourrinage à bloc et tente même de la légitimer en reliant au final son film à la série originale puisque la conclusion reprend le monologue prégénérique de chaque épisode de la série, présentant l'Enterprise comme un parangon d'exploration, d'observation et de compréhension mutuelle...
Bien que les interprétations de Chris Pine en Kirk dominé par ses émotions et de Zachary Quinto en Spock tentant de les dominer soient plutôt convaincantes, le film aurait gagné en intensité si leurs relations conflictuelles avaient été portées à ébullition. On peut regretter également le méchant en carton-pâte totalement insipide. Mis à part les deux têtes d'affiches, l'interprétation est au mieux assez moyenne (Eric Bana dans le rôle de Néro est méconnaissable tellement il est mauvais, Karl Urban trimballe un air ahuri et parfois hagard qui traduit assez bien l'intérêt porté à son personnage par J.J), Abrams préférant faire appel à la re-connaissance des spectateurs envers des personnages familiers ou des acteurs-geeks/fans de la série tel Simon Pegg qui se débat comme il peut dans la défroque d'un Scotty censé apporter un point de vue comique, du moins décalé, sur l'action. La présence de Léonard Nimoy dans un rôle plus développé que le simple caméo appréhendé sert avant tout de caution morale afin de tirer, en douceur, définitivement un trait sur plus de 40 ans d’histoires. Ce ne serait pas gênant si Abrams avait su traiter son récit comme une allégorie aux questionnements et désirs actuels (ou éternels tant ils demeurent pratiquement inchangés d’une décennie à l’autre), ce qu’avaient développés avec plus ou moins de talent ses prédécesseurs et ce que les meilleurs représentants cinématographiques ou littéraires de S.F parviennent à faire. Pourtant, des thèmes tels que l’autoritarisme, le racisme, l’impérialisme ou le sexisme sont toujours d’actualité. Et que l’on soit friand ou pas de causette philosophique en pyjamas importe peu face à l’occultation indigne de la dimension politique et des dilemmes moraux des personnages. Pire, alors que la Fédération prône l’altruisme et la sauvegarde des espèces (même les plus viles), Kirk et Spock se livrent à un simulacre de mansuétude pour finalement appliquer la loi du Talion. Malgré les conflits inhérents à toute construction politique, que l’on aime ou pas les séries Star Trek, au moins l’esprit qui animait leur création était un désir de paix toujours empreint de valeurs humanistes à transmettre.
Opération séduction
Cependant, il ne faut pas voir dans ce nouvel opus une démonstration ou une illustration d'une quelconque idéologie martiale « popularisée » par l'administration Bush. La volonté de Abrams est clairement apolitique, impossible d'y déceler la moindre résonance contemporaine. A la limite, on aurait pu faire un effort si Abrams avait balancé quelques plans d'un vaisseau spatial s'écrasant sur un édifice vulcain ou humain ce qui aurait donné l'occasion d'évoquer le traumatisme du 11 septembre 2001 en passe de devenir une véritable tarte à la crème analytique et critique à force de surexploitation. Non, la vérité est (ailleurs, oui on sait) autre et pas pour autant plus rassurante. Et c'est Chris Pine, l'interprète du valeureux capitaine Kirk jeune qui l'exprime clairement en répondant aux critiques de certains fans de Star Trek : « Dévier des canons de Star Trek peut offenser les gens mais était nécessaire pour attirer de nouveaux fans. « Si cela signifie altérer certaines choses dans la tradition, l’histoire, l’héritage, alors, qu’il en soit ainsi. Si cela offense certaines personnes, qu’il en soit ainsi. Mais je reste persuadé que nous avons fait quelque chose de très accessible. »
Pourtant, toute tentative de vulgarisation de concepts compliqués ou d'univers créatifs très élaborés est tout à fait honorable mais dans le cas présent cela se traduit à l'écran par une simplification à l'extrême, on conserve une patine visuelle reconnaissable, on joue avec la nostalgie des fans en réactivant leurs connaissances mais inutile de s'encombrer de cohérence scénaristique et narrative et encore moins de conflits pas seulement spatiaux mais également moraux capables de générer émotions et réflexions. Bien sûr, cette accessibilité au rabais est à l'oeuvre depuis bien longtemps à Hollywood mais il est impossible de ne pas demeurer interdit devant la persistance de cette vacuité insondable qui, en ce premier semestre 2009, s'est notamment traduite par le viol sans vaseline et avec des graviers du plus badass des mutants ou la renaissance poussive de la franchise Terminator. Cette volonté de séduire une nouvelle génération de spectateurs implique généralement de développer le plus petit dénominateur commun apparemment capable d’anesthésier tout sens critique. Une pratique qui reste toujours aussi insupportable et pourtant capable de récolter des millions de brouzoufs. Ici, la séduction des masses par l'intermédiaire d'une œuvre accessible opère comme un prolongement du célébrissime high concept popularisé par feu Don Simpson (producteur à l'origine de Flashdance, Top Gun ou Jours de Tonnerre) dans les années 80 et qui considérait qu’un film avait toutes les chances d’exploser le box-office si son intrigue pouvait être résumée en une phrase. Ce high concept est une version simplifiée du monomythe de Campbell décliné par Simpson sous forme de trois actes, une exposition spectaculaire où le héros montre sa maîtrise puis il touche le fond à cause des conséquences de son arrogance et enfin un mentor le remet sur les bons rails pour un retour triomphant.
Une structure appliquée par Abrams dont le Star Trek consiste moins à repartir de zéro ou d’en livrer une relecture personnelle que de le relier à son propre univers créatif puisque nous voyons réapparaître cette boule de matière rouge au centre des révélations de sa série Alias (bien qu'ici elle acquiert la propriété de former des trous noirs), l'utilisation du voyage dans le temps qui structure Lostou l'implication à chaque niveau de l'aventure des mêmes personnages destinés à perpétuellement se rencontrer. Des correspondances ludiques inoffensives et plutôt amusantes.
Le vrai problème réside dans une infantilisation toujours plus poussée du récit quand bien même celui-ci voit s’accomplir ni plus ni moins que l’anéantissement de la planète Vulcain. Soit le peuple emblématique de Star Trek victime d’un génocide sans que celui-ci n’émeuve qui que se soit d’autre que Spock. Ce crime n’a aucune portée, aucune résonance sur les autres personnages, on ne mesure jamais vraiment le poids d’une telle catastrophe ce qui la fait passer pour une péripétie de plus. Il ne reste plus que 10 000 vulcains sur les 6 milliards et le film se termine dans la joie et l’allégresse, tout le monde paré pour repartir à l’aventure. Et non content d’éliminer physiquement une race entière, Abrams s’acharne en rognant progressivement leurs spécificités culturelles puisque Spock s’humanise de plus en plus, l’émotion prenant le pas sur la logique. Ce que prône d’ailleurs le Spock du futur au nouveau Spock. La dualité émotionnelle de Spock revêt certes un intérêt dramaturgique mais elle aboutit à une humanisation indécente puisque gommant toute singularité. Et oui, le must dans tout l’univers c’est encore d’agir selon un schéma de pensée humain. Ainsi, on voit Spock s’indigner lorsque Kirk propose de sauver les romuliens. Sentiment compréhensible qui entraîne la destruction de leur vaisseau lorsque Kirk se plie à sa volonté et ordonne d’ouvrir le feu et ainsi neutraliser toute possibilité de traduire en justice les responsables de l’holocauste vulcain. Mais après tout, que pèse la mort de milliards d'être vivants dans la balance de la justice quand on peut satisfaire un sentiment légitime de vengeance. On peut dire que la construction politique de Starfleet repose sur des bases plutôt fragiles pour qu'un cadet impétueux soit ovationné et récompensé pour cette action hautement humaniste et représentative de la fédération, s'il en est.
Pourquoi s'indigner, ce n'est qu'un divertissement, un rebootet il faut que ça bouge. Mais la nouvelle ligne temporelle créée par Néro, bien pratique pour expliquer les facilités prises avec l'univers original peut-elle tout excuser ?
Décrire l'amitié naissante entre le capitaine et son second semble le seul enjeu digne d'intérêt, quitte à en passer par l'annihilation de tout un peuple pour en renforcer les liens et faire de la pluralité ethnique un simple ressort vaudevillesque. La puissance du propos de ce film m'a sans doute échappé puisque sur ce dernier point, Isabelle Régnier sur le site du journal Le Monde affirme que « Ce travail plastique est au service d'un message de tolérance subtilement distillé. Difficile pourtant de faire plus efficace, en termes de plaidoyer multiracial, qu'une scène qui dévoile Kirk nu dans un lit avec une femme toute verte. Sans receler une puissance conceptuelle, philosophique, ou artistique extravagante, le Star Trek, de J. J. Abrams, apporte une note de frais et d'élégance au film d'aventures spatiales, mettant ainsi le genre au diapason de la nouvelle Amérique de Barack Obama. » Vu comme ça, évidemment…
Retrouvez cet article sur le site de L'Ouvreuse (http://www.louvreuse.net) une madame très accueillante !
Publié le 04/08/2009 à 00:12 par houseofgeeks

Michael Mann l’esthète est de retour et nous livre bien plus qu’un simple film de gangster ou un biopic. Il travaille la légende de Dillinger au corps afin d’en tirer un film d’action expérimental et crépusculaire où la figure romantique de l’ennemi public n°1 constitue le réceptacle final des personnages tragiques peuplant l’œuvre de Mann. Les nombreuses correspondances et résonances avec ses précédents films, le fait que Dillinger soit exécuté à la sortie d’un cinéma jouant L’Ennemi Public n°1 avec Clark Gable ne laissent pas la place au doute, Mann joue la mise en abyme avec son cinéma et le cinéma pour signifier avec affliction et amertume la disparition d’un code d’honneur et moral qui trouvait à s’incarner parfois dans des figures violentes mais toujours représentés chez lui par des hommes intègres et en accord avec eux-mêmes. Une honnêteté qui est l’apanage de Dillinger (remarquable Johnny Depp dans son meilleur rôle) incapable de mentir sur sa condition de criminel à Billie Frechette (Marion Cottillard pour une fois supportable). Toute l’œuvre de Mann semble consacrée à une opposition hommes de loi et hors-la loi mais reflète surtout son goût pour la dichotomie présente en chacun, la limite avec la légalité est toujours ténue (les flics de Miami infiltrés dans le milieu et près à basculer, Pacino et De Niro incarnant dans Heat les deux faces d’une même pièce…) et c’est définitivement l’humanité (l’humanisme) dont ils font preuve qui les différencie (dans Manhunter, William Petersen s’identifie un peu trop au psychopathe qu’il poursuit). Le héros, c’est John Dillinger. Et de confrontation classique avec l’agent Purvis (Christian Bale) il ne sera pas question, ce dernier restant littéralement dans l’ombre à surveiller, épier la bande à Dillinger. Aucun répit intime ne lui sera accordé au contraire de Dillinger que Mann s’évertue à montrer en privé auprès de sa belle. Et si le titre est marqué d’un pluriel, c’est tout simplement parce que Dillinger se retrouve cerné entre un F.B.I naissant emmené par un Edgar Hoover instrumentalisant les actions du gangster et un crime organisé évoluant vers une clandestinité confortable et rémunératrice et qui apprécie très mal l’attention que les braquages spectaculaires de Dillinger suscitent. Chacun a une bonne raison de l’éliminer, les uns pour asseoir définitivement leur légitimité, les autres afin de protéger leur business. Des intérêts antagonistes qui pourtant convergeront finalement dans une résolution sèche, abrupte et bouleversante par le meurtre de John Dillinger. Les ennemis publics auront eu raison de celui qui incarnait pour la population mise à mal par la crise de 1929 un réel espoir d’émancipation. Non pas que Mann fasse l’apologie de la violence et du grand banditisme comme seul remède à une condition sociale oppressante mais le réalisateur fait de son gangster une espèce d'idéal libertaire dans cette Amérique des années 30 en pleines mutations. Dillinger fascine Mann et le public de l’époque par sa capacité à évoluer librement hors de toute contingence. Il veut tout, tout de suite et met tout en œuvre pour y parvenir. Indomptable, animé par une loyauté indéfectible, il ne laisse jamais tomber ses partenaires ou amis et se montre attentionné avec les otages protégeant sa fuite. Il est l’ultime représentant d'un gangstérisme à l'ancienne pétri de violence certes mais nourri d'une certaine éthique. Surtout, sa détermination et sa fierté en font un être singulier qui se détache immanquablement de la masse. C’est le seul à ne pas tourner la tête machinalement aux ordres du speaker, il s’évade tranquillement en empruntant la voiture du shérif local, lorsque Billie est appréhendé par la police, il s’élance immédiatement pour la libérer à la vue de tous et ne s’arrête que lorsqu’elle est emmenée en voiture, c’est l’hallucinante intrusion dans le Q.G des agents chargés de le stopper. Si personne ne le remarque ou ne prête attention à lui malgré son comportement, c’est parce que personne ne s’attend à ce que quelqu'un de normal (étymologiquement représentant la norme) réagisse ainsi. Mais également (surtout ?) parce que tout le monde est conditionné par les médias ou la police relayant ses exploits, de sorte que la légende de Dillinger se substitue à l’individu et les policiers seront incapables de le reconnaître dans la rue car il ne correspond pas au portrait que l’on en fait ou aux photos épinglées dans leurs bureaux.
Mann livre un film atypique car se jouant du genre dans lequel il s’inscrit pour en donner une vision personnelle et d’une classe folle. Il fait de Dillinger son héros et évacue d’emblée toute confrontation manichéenne que le personnage de Melvin Purvis semblait impliquer. Mann oppose Purvis à Dillinger lors du premier quart d'heure pour s'attacher par la suite exclusivement au destin du gangster après avoir présenté l'agent fédéral en chasseur implacable (par son attitude et son accoutrement) tandis que dès la première séquence il montrait Dillinger organisant l’évasion de ses hommes, couvrant leur fuite à la mitraillette, tirant debout et en faisant face aux balles des gardiens. L’agent fédéral lui préfèrera tirer dans le dos de la proie qu’il poursuit. Mann annonce la couleur et sa préférence pour un personnage emblématique de son cinéma et lui rendra un vibrant hommage en faisant correspondre jusqu’à se confondre sa destinée tragique et celle du personnage cinématographique interprété par Clark Gable dans le dernier film qu’il verra.
Mann opère une synthèse de son œuvre, Public Ennemies renvoyant à Heat au gré de la reprise intégrale d’une ligne de dialogue (« C’est l’argent de la banque que je vole, pas le vôtre ») ou d’angles de caméra similaires et à ses derniers essais tournés en caméra H.D (Collatéral et Miami Vice). Des expérimentations visuelles (les noirs sont profonds, les visages seulement éclairés par les déflagrations des armes lors des séquences de nuit impressionnantes) toujours au service de l’histoire pour des sensations inédites, Michael Mann est un auteur de génie qui ne cesse film après film d’enrichir son cinéma et le cinéma.
Retrouvez Public Enemies dans le numéro 16 de la revue VERSUS (http://www.versusmag.fr) ainsi qu'un excellent dossier sur les ennemis publics au cinéma ( de Mesrine à Scarface) !!
Publié le 23/02/2009 à 12:00 par houseofgeeks
Alors que le magnifique L’Echange est encore dans toutes les mémoires, voilà que débarque déjà le nouveau film de Clint Eastwood. Et nous n’allons vraiment pas nous plaindre car c’est carrément un chef-d’œuvre, et sans aucun doute un des films de l’année 2009.
Walt Kowalski (Eastwood) est un retraité de Ford, ancien militaire ayant combattu en Corée, tout juste endeuillée, un raciste réactionnaire qui vit pourtant dans un quartier où réside des ressortissants laotiens du peuple Hmong. Bichonnant sa Gran Torino (voiture sortie des usines Ford en 1972 et dont le spécimen le plus célèbre avait une bande blanche entourant sa carrosserie et était conduite par « deux flics un peu rêveurs et rieurs mais qui n’ont jamais peur de rien »), son fusil de l’armée à portée de main et voyant d’un très mauvais œil un gang perturber sa tranquillité en tentant d’enrôler Tao, le fils un peu désoeuvré de ses voisins. Avec ce rôle qui sera son dernier devant la caméra, Eastwood tire magistralement sa révérence. Kowalski, c’est à la fois Harry Callahan, Tom Highway le sergent du Maître de Guerre et Nick Pulovski le flic de La Relève au seuil de leur vie, prenant conscience qu’il est temps de passer la main et de transmettre les valeurs humanistes que leur comportement violent occultait. Pour Eastwood, c’est l’occasion de rendre un dernier hommage à ces personnages et dans le même temps d’adresser un magnifique doigt d’honneur aux critiques qui les stigmatisaient.
Ce film peut être considéré comme un bilan de Eastwood acteur, donc, mais également réalisateur puisqu’il reprend ses questionnements sur ce qui fait la valeur d’un homme, la vieillesse, la famille et plus généralement la communauté et surtout parfait une notion présente d’un bout à l’autre de sa filmographie, la recherche d’équilibre. Equilibre moral, spirituel mais également institutionnel puisque les personnages chez Eastwood (qu’ils les incarnent lui-même ou non) s’opposeront à toute forme d’archaïsme religieux, politique ou policier pour proposer une justice en accord avec leurs principes. Une recherche d’équilibre qui ne passe pas forcément par une rédemption salvatrice mais par une forme d’accomplissement qui peut aller jusqu’au sacrifice ultime. Le héros eastwoodien cherche à équilibrer la balance de ses actions, celles de ses contemporains comme des turpitudes de la vie auxquelles il est soumis.
Mais Gran Torino c’est aussi une ode à la tolérance ou plutôt à l’ouverture d’esprit, un film très drôle et qui sait ménager en même temps des instants plus graves pour finalement vous toucher droit au cœur. Eastwood mélange les registres avec une énergie et une intelligence remarquables, passant du vigilante movie (films d’auto-défense dont Charles Bronson était le parangon) à la comédie, virant à la chronique sociale et la tragédie. Il faut le voir à plus de 78 ans s’imposer par sa posture, son attitude, face à de jeunes voyous ou encore laisser parler ses poings. Mais attention, si l’humour est très présent, Eastwood ne se livre pas à une dérision forcenée des caractères bien trempés qu’il a pu interpréter. Non, il faut plutôt y voir une mise en perspective face à une société qui a évoluée et qu’il a du mal à comprendre, surtout à laquelle il a du mal à s’intégrer. Une intégration qui est d’ailleurs l’un des thèmes en filigrane parcourant tout le métrage et qui lie un peu plus Kowalsky à la communauté Hmong de son environnement immédiat. Indifférent à ce qui l’entoure, taciturne et râleur, Kowalski ne s’intéresse à ses voisins que pour proférer des remarques désobligeantes ou racistes et préfère s’asseoir sous son porche à écluser les bières, seul et isolé. Il intégrera progressivement la fiction par le truchement des actions de ses voisins (tentative de vol de sa Gran Torino, intervention pour calmer une bagarre) qui l’obligeront à quitter ce porche protecteur (protectionniste ? Un drapeau américain y flotte continuellement) et se mêler à eux et de leurs affaires. Découverte des merveilles culinaires asiatiques, de l’hospitalité et de la reconnaissance parfois envahissantes de ces « bridés », autant de « chocs » culturels qui tisseront peu à peu un lien indéfectible entre ce vieux bougon et une communauté avec laquelle il aura ( à son grand dam !) plus d’affinités qu’avec ses propres fils. Ce peuple nomade utilisé par les français lors de la bataille de Dien-Bien-Phu et par les américains durant le vietnam et qui seront abandonnés à leur sort (chassés et persécutés) une fois les défaites entérinées, trouveront refuge en Thaïlande ou aux Etats-Unis. De part leurs maisons concomitantes, la famille Hmong est le contrepoint parfait de Kowalski, à la fois spatialement, ethniquement et éthiquement. Et Eastwood va les lier de manière grandiose, faisant de Kowalski un tuteur et leur protecteur avant de devenir un membre de leur famille.
Mais s’il existe un lien primordial, c’est tout d’abord par le sang versé il y a des années et qui continue à le hanter. Et s’il a choisi de demeurer dans ce quartier désormais dépeuplé d’américains comme lui, ce n’est pas une manière d’expier ses fautes (d’ailleurs lors de sa confession, Kovalski ne mentionnera que de menus pêchés) mais bien d’accepter ses erreurs, une façon littérale de se dire « il faut vivre avec ça désormais ».
Tout comme son acteur/réalisateur, Gran Torino est immense. Un film d’une grande finesse narrative et d’une richesse thématique et émotionnelle incroyable. Avec ce film, Eastwood fera taire une bonne fois pour toutes les critiques qui se sont acharnées à voir en lui un agent de la justice sommaire et arbitraire.
Si monsieur Eastwood a été oublié par les oscars, il a une place de choix dans le trimestriel Versus et dont le n°15 paru depuis le 21 février propose un point de vue pertinent sur le metteur en scène et son dernier chef-d’œuvre en date, Gran Torino.
Publié le 21/12/2008 à 12:00 par houseofgeeks

Casino Royale, le précédent épisode (rien moins que le meilleur film d’action de 2006), avait brillamment remis les compteurs à zéro en redéfinissant le personnage comme la mythologie associée en s’appuyant à la fois sur les caractéristiques du succès de La mémoire et La Mort dans la peau et en revenant aux origines littéraires du mythe puisque Casino Royale est le premier roman mettant en scène Bond. Notre espion est plus violent, agit sans fioritures, il n’est plus le misogyne consommant des james-bond-girls comme d’autres des clopes (c'est-à-dire les unes après les autres) et surtout apparaît faillible et pétri de doutes. Une humanisation bienvenue qui permit enfin au spectateur de se sentir impliqué dans des tribulations autrefois clinquantes, artificielles et déconnectées de tout réalisme (mis à part peut être le très bon Permis de Tuer). Autrement dit, l’identification marche à plein et l’on est touché par le drame vécu par Bond, sa bien-aimée le trahit et meurt tragiquement. Dès lors, il n’aura de cesse de traquer les responsables de cette organisation tentaculaire qui auront dévoyé Vesper sa fiancée. Quantum of Solace reprend donc là où se terminait le précédent, lorsque Bond pénètre dans la propriété de l’énigmatique M. White et le colle dans le coffre de son Aston Martin aux fins d’interrogatoire. Bond veut sa vengeance et est prêt à toutes les extrémités. Mais pas encore à suivre les pas de Jack Bauer (autre J.B célèbre) puisque la scène de torture qui s’amorçait sera finalement déjouée.
S’il peut surprendre de prime abord, le choix de Marc Forster en tant que réalisateur marque bien la nouvelle tournure prise par la franchise. Abonné aux drames intimistes et aux récits centrés sur les caractères (Stay, A l’ombre de la haine, Neverland), Forster est tout indiqué pour développer la nouvelle psychologie de l’espion. Malheureusement, sa méconnaissance des films d’action laisse toute latitude à une production poursuivant la modernisation du mythe en collant de plus en plus près à Bourne et en particuliers le dernier opus cinématographique, La vengeance dans la peau.
Mon nom est Bourne, Jason Bourne
Mais n’est pas Paul Greengrass qui veut. Et au découpage et montage millimétrés des séquences dans la gare et de poursuite sur les toits de Tanger, on préfère nous asséner une bouillie filmique où absolument toutes les scènes d’action sont incompréhensibles ! Le procédé de caméra embarqué dans les carambolages et les corps à corps était déjà handicapant et énervant dans le pourtant très bon film de Greengrass, il est ici utilisé sans parcimonie ou une quelconque volonté de construction narrative. C’est le nouveau James Bond, il faut donc que ça pète dans tous les coins, que ça aille vite (et vas y que je te découpe et surdécoupe et dix de der) et que ça soit percutant. Problème, passé la porte de sortie de la salle, impossible de décrire avec précision un enchaînement d’actions sans faire appel aux vagues sensations ressenties. C’est donc le principal point noir et le plus dommageable. Avec le scénario.
Certes, la série n’est pas reconnue pour sa complexité narrative mais bien pour ses scripts prétextes à tous les délires. Cependant, la trame de Casino Royale bien que simple favorisait la montée en puissance d’un récit attaché à un destin plus personnel qu’à l’accoutumée et augurait d’un traitement comparable dans un film envisagé avant tout comme séquelle plutôt que comme un énième épisode déconnecté de toute continuité. On retrouve pourtant la même équipe à l’écriture. En lançant James Bond sur la trace d’une organisation ayant infiltré jusqu’au MI-6, on se prend à rêver d’une intrigue favorisant la paranoïa mais elle s’avèrera malheureusement plus classique avec son méchant mégalomane (Amalric) voulant prendre le contrôle planétaire d’une ressource naturelle indispensable, l’eau. Un Matthieu Amalric plutôt bon jusqu’à ce que son personnage, Dominic Greene, pète un câble dans la dernière bobine en s’attaquant à James armé d’une hache d’incendie et poussant des petits cris dignes d’une Monica Sélès de la grande époque. Quant à Olga Kurylenko, admirable de beauté, elle peine à faire oublier une Eva Green sublime d’authenticité. Et si Daniel Craig est toujours aussi convaincant dans le rôle titre, ne laissant plus transparaître que de trop rares émotions, à l’image de Jason Bourne, il devient de plus en plus mutique et monolithique. Affirmant ainsi sa nouvelle détermination. Ce qui ne change pas par rapport à l’opus précédent, c’est que l’espion est clairement montré comme un voyou en smoking et ultra violent.
De la continuité dans le changement.
Le reboot Casino Royale est plus qu’un retour aux origines mais bien une redéfinition complète. Et Quantum of Solace démontre son respect de cette nouvelle continuité dès le premier trailer mis en ligne. Celui-ci se montre en tous points comparable à celui de Casino Royale. Si les images diffèrent, le rythme et le montage sont les mêmes. Poursuivant dans la même veine, et même si d’indécrottables aficionados le déploreront, nous pouvons constater la disparition de Q, miss Moneypenny et des gagdgets loufoques. Ce qui est regrettable par contre est la laideur du générique tant visuellement que mélodiquement.
Mais si le bond nouveau déçoit dans la gestion des confrontations physiques, il se montre vraiment réjouissant dans la peinture renouvelée des principaux protagonistes. Ainsi M semble de plus en plus perdue dans le nouvel écheveau géo-politique et stratégique (son plus proche garde du corps est un traître, elle tombe sur le cul en apprenant l’existence d’une organisation si puissante et restée secrète si longtemps, elle est incapable de raisonner ou maîtriser son agent…), l’agent féminin de liaison en Colombie est à la base une documentaliste du MI-6, l’agent de la C.I.A Lassiter n’a aucune liberté d’action pour aider son ami Bond et ce dernier a le visage de plus en plus marqué de cicatrices au fil du récit, boit comme un trou des coktails dont il se fout du nom et de la manière de les préparer et se montre d’un pragmatisme terrifiant lorsqu’il se débarrasse du corps de son ami Mathis dans une benne à ordure. Enfin, signe des temps nouveaux ici à l’œuvre, la célébrissime séquence où Bond dégaine face caméra ne débute plus le film mais le clôture.
Outre le pompage éhonté de l’esthétique JasonBournienne, la preuve que la franchise bondienne évolue dans un contexte plus contemporain tient à l’environnement plus réaliste. La C.I.A est obligé de sous-traiter ses complots et ses renversements de régime à une tierce organisation, la richesse la plus précieuse à posséder n’est plus le pétrole mais l’eau et pour la première fois de la série, James Bond est enfin confronté à la réalité du terrain et aux injustices causées aux populations civiles. Lorsque Camille et Bond s’extirpent de la réserve d’eau souterraine, ils traversent un village souffrant de ces barrages asséchant les pompes. On s’attarde donc sur cette file de femmes et d’enfants amaigris et assoiffés, attendant désespérément qu’un flot jaillisse du tuyau mais devant se contenter d’une seule goutte. Cette séquence n’a l’air de rien mais devient essentielle dans le désir de faire de Bond un caractère plus actuel et factuel.
La mort de Dominic Greene est une maigre consolation (poumons noyés après absorption d’huile de vidange) pour Bond dont la douleur de la perte est intacte, mais son parcours aura permis de boucler une première boucle, les deux films l’installant comme un véritable agent des services secrets de sa majesté : Quantum of Solace se termine par une scène similaire à celle débutant Casino Royale, Bond en complet-veston et long manteau est assis dans la pénombre et braque sagement son interlocuteur. Si dans Casino Royale il y gagnait son double zéro, ici il y gagne une nouvelle virginité et légitimité.
Alors oui, il y en a assez des séquences explosives illisibles, non vous n’apprendrez pas ce que signifie vraiment le titre du film, oui les scénaristes en ont un peu trop gardé sous le coude en ne livrant aucune clés ou information sur le consortium responsable des malheurs de Bond (tout juste apprend t’on que Greene a tout balancé à James sur l’organisation Quantum) mais les responsables de la franchise restent toujours attachés au renouveau d’une saga emblématique et sclérosée depuis trop longtemps. Demi échec, Quantum of Solace peine à confirmer les promesses de Casino Royale. Oublie la vengeance James, par contre tu nous dois une revanche.
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Publié le 21/12/2008 à 12:00 par houseofgeeks
Bien connu des spectateurs de canal + et plus spécifiquement des programmes du Groland, Gustave De Kervern et Benoît Délépine importe depuis quelques années leur univers bien particuliers sur le grand écran. Auteurs des déjà bien barrés Aaltra (2004) et Avida (2006), ils refont surface cette année avec Louise-Michel (sans « e », oui cela revêt même une grande importance), un conte de noël très spécial. Autrement dit, très grolandais !
Tout commence dans une usine fabricant des cintres et sise en Picardie. Les employées subissent leur travail harassant et aliénant jusqu'à l'heure de quitter leur lieu de travail, véritable moment de joie (limite si elles ne se bousculent pas pour pointer la première !). Toutes sauf Louise (Yolande Moreau, fabuleuse de présence physique), qui traîne sa peine et son état dépressif même hors les murs. Et puis, parce que le contexte économique l'exige (la crise économique actuelle ne faisant qu'appuyer une situation délabrée depuis bien longtemps), il faut délocaliser l'usine. Tandis que Francis Kuntz fait diversion en leur offrant...de nouvelles blouses (!) (une séquence aussi drôle que dérangeante car vraisemblable, bien dans l'esprit Groland), les propriétaires profitent de la nuit tombée pour vider les lieux. Et au moment de l'embauche, c'est à l'intérieur d'une usine désaffectée que les ouvrières vont pénétrer. Désespérées mais bien plus en colère, elles décident rapidement de ne pas se morfondre et de répliquer par une action collective. Plutôt que de partir chacune de leur côté avec une indemnité dérisoire, autant tout mettre en commun pour financer une solution. Et c'est la taciturne Louise qui la proposera, animée par un passé violent (voir le sort qu'elle réserve au banquier venu réclamer les traites impayées : superbement jouissif !) : engager un tueur professionnel pour buter le patron ! Une solution aussi radicale que limpide. Face à la mort sociale que génère ce genre de délocalisation, les victimes vont réagir en semant une mort cette fois-ci bien physique.
Problème, où trouver un tel professionnel ? Louise en fait son affaire et finira par dénicher rapidement et par hasard la perle rare. Du moins c'est ce qu'elle pense car il s'avère que l'homme en question, Michel, s'occupe de question de sécurité certes mais sans qu'il soit question qu'il refroidisse quelqu'un. De plus c'est un lâche doublé (triplé, ça se dit ?) d'un bonimenteur et d'un paranoïaque. Et évidemment, rien n'ira comme prévu. D'autant moins que la véritable cible semble se dérober à chaque fois, puisque chaque cadavre laissé fumant sur le bitume renvoie à un responsable plus haut placé dans la hiérarchie. Le simple gérant de l'usine ne fait qu'obéir aux ordres d'une société bruxelloise elle-même obéissant à des administrateurs basés dans un paradis fiscal, etc... Une quête sans fin, kafkaïenne en diable et drôle à en mourir. Car si le ton est décalé, les dialogues désopilants, les situations et la caractérisation des personnages savoureuses (Poelvoorde en théoricien du complot et reproduisant un certain jour de septembre en miniatures est abominablement hilarant), les réalisateurs parlent de choses graves et se montrent aussi violents que les patrons licenciant à tour de bras.
Je ne voudrai pas trop en dévoiler mais Délépine et De Kervern mélangent habilement quête identitaire et chasse au criminel en col blanc pour culminer vers une réappropriation de leur vie par nos deux illuminés. Il est intéressant de noter qu’aucun des protagonistes n’assument vraiment ses actes ou ses manques, du moins pas avant la conclusion. Que se soientt les patrons renvoyant toujours à un supérieur hypothétique ou même Michel qui tentera de faire faire le sale boulot par des connaissances au bout du rouleau (soit atteint d’une maladie incurable, soit n’ayant plus rien à attendre de la vie. Des scènes fortes où le burlesque le dispute à l’émotion. Un véritable numéro d’équilibriste parfaitement maîtrisé) ou encore Louise qui se mettra en rogne dès qu’on lui rappellera qu’elle ne sait pas lire.
Désolé, c’est vraiment un avis à chaud et un peu bordélique, un peu comme le film d’ailleurs puisque ce dernier est tellement enthousiasmant qu’il incite à convaincre le plus grand nombre d’aller le voir. Surtout, c’est un formidable coup de pied au cul qui peut s’avérer fondamental au vu de la crise actuelle, des mesures prises par le gouvernement ou des troubles émaillant la Grèce. En tout cas, c’est l’espoir et surtout l’interrogation formulée par le film, qu’attendons nous pour leur foutre au cul ? De Kervern l’avoue, lui-même est assez couard dans son genre. Il fait des films engagés où la sincérité et les convictions profondes transparaissent sans mal mais son action se limite à ça. Mais ça, c’est déjà beaucoup. Mieux, dans un paysage cinématographique français formaté et frelaté, c’est carrément énorme.
Dernière petite chose, le titre du film fait référence à Louise Michel, anarchiste communiste ayant combattu sur les barricades de La Commune. Sauf qu’ici le film est intitulé Louise-Michel. Mais là encore, le trait d’union a toute son importance voire fait la différence. Et la force ?
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Publié le 21/12/2008 à 12:00 par houseofgeeks

Adaptation d’une bande dessinée à succès signée Van Hamme et Francq, Largo Winch raconte les premiers pas du fils adoptif d’un milliardaire assassiné héritant d’un groupe à la puissance financière incommensurable. Outre son illégitimité, Largo a la particularité de préférer le jean/baskets au complet veston et d’être aussi à l’aise dans l’action physique de dans les arcanes de la finance. Action et aventures sont donc au programme mais sans maniérisme déplacé. Si la bande-annonce est montée comme n’importe quel blockbuster pétaradant américain (James Bond et Jason Bourne en tête), soit ultradécoupée et faisant la part belle aux images spectaculaires et si l’on pense immédiatement à une version européanisée de Bruce Wayne (alter égo de Batman), ces aprioris négatifs seront vite balayés par un film se construisant sa propre identité sans se référer aux canons hollywoodiens. De sorte que qualifier le film de « spectacle à l’américaine » sera aussi déplacé qu’inexact. Une quête d’identité qui préoccupe également notre héros qui, bien que non amnésique, devra faire la lumière sur son passé occulté, oublié voire refoulé. Le film reprend l’intrigue des deux premiers albums, soit les perturbations engendrées par l’arrivée de ce fils caché, adopté alors qu’il était bébé dans un orphelinat yougoslave par Nério Winczlav (Winch est une occidentalisation de son patronyme) et confié à un couple local dans l’attente qu’il soit en âge d’apprendre son futur rôle, diriger le groupe W. S’il ne connaît pas ses parents biologiques, il ne connaîtra pas plus son père adoptif, leur relation se bornant à un rapport de maître à élève plutôt que de père à fils.
Dans ce contexte actuel de crise financière, l’identification à un tel magnat est plutôt risquée sinon casse-gueule. Mais à l’instar de la comédie La Très Très Grande Entreprise de Pierre Jolivet, le récit va s’articuler autour d’un personnage victime du capitalisme (Largo acheté à l’orphelinat puis soustrait à sa famille d’accueil subi de plein fouet le pouvoir de l’argent avant de supporter l’éducation de son « père » qui s’apparente à un embrigadement) et découvrant un monde inconnu. Ces protagonistes véhiculant des valeurs humanistes (solidarité, entraide, envie d’apprendre d’autres cultures) absentes d’un système inique. Une opposition constante que la réalisation sans fioritures de Jérôme Salle va s’attacher à illustrer. Ainsi, lors de la présentation de l’héritier aux membres du consortium, Largo, en tenue décontractée et manipulant son couteau fétiche, leur tournera le dos, le même qui décidera de faire cause commune avec l’oligarque russe présenté comme le vilain idéal mais autant manipulé que lui. Et plus encore, on assistera à une minéralisation de l’espace. A mesure que l’intrigue progressera, les personnages évolueront dans des lieux urbains délaissant les paysages naturels et surtout la photographie et la lumière prendront des teintes de plus en plus ternes et grises. Signes ostentatoires de la doctrine capitaliste à l’œuvre.
Plutôt qu’un vulgaire actioner décérébré, salle met l’accent sur l’aventure, faisant de son film un convaincant héritier des bandes mettant en scène Belmondo, véritable influence à relever. De même, Tomer Sisley n’a pas seulement été choisi pour sa belle gueule et son appropriation du personnage mais aussi pour sa capacité à exécuter lui-même ses cascades. Et si les empoignades se montrent plus violentes qu’à l’époque, il ne faut pas seulement y voir l’expression d’une tendance actuelle mais une manière démonstrative d’exprimer la violence larvée et inhérente à un système peu soucieux du facteur humain. Autrement dit, on passe d’une violence métaphorique à une violence graphique.
Film ciblé grand public, les personnages bien qu’archétypaux parviennent à s’extraire momentanément des clichés pour exprimer un caractère fort, Largo en premier lieu. Et s’il sacrifie parfois au consensuel (la pute au grand cœur), il n’hésite pas à mettre en œuvre un suspense inhabituellement alambiqué dans ce genre de productions à coups d’OPA et autres rachats d’actions. L’ensemble fonctionne donc plutôt bien, le réalisateur d’Anthony Zimmer évitant avec bonheur l’écueil d’un surdécoupage des scènes d’action pour se concentrer sur les différents enjeux. Bien que la réalisation s’avère assez impersonnelle et illustrative au moins les acteurs évitent tout cabotinage grossier et l’authenticité linguistique est respectée et mise en avant. En effet, l’anglais, langue internationale des échanges commerciaux, ne domine pas puisque les séquences situées en Ex-Yougoslavie sont en serbe ou croate. Une autre façon de contester l’emprise du système commercial (divertissement ou finance) tout en démontrant une certaine forme de subversion.
Film plaisant et non dénué d’intérêt, Largo Winch est une agréable surprise au regard de la piètre tentative de mise en scène du héros dans la série diffusée sur M6 ou des récents films dit de genre français (Go Fast, qui lui ressemble à un téléfilm).
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Publié le 15/10/2008 à 12:00 par houseofgeeks
En thaïlandais, Vinyan signifie fantôme. Pourtant pas l’ombre d’un fantôme asiatique traditionnel représenté par une petite fille aux cheveux longs et sales. Mais un éblouissant et intense moment de cinéma.
Durablement impressionné par les enfants tueurs du deuxième long (et deuxième chef-d'oeuvre) de Narcisso Ibanez Serrador, Du Welz avait l'intention de faire un remake de Les Révoltés de l'An 2000 (oui même à l'époque, 1976, les titres français valaient leur pesant de cacahuètes). Mais des problèmes de droit rendront l'entreprise impossible. Et si l'on retrouve ici, après Calvaire, la présence inquiétante d'une cohorte d'enfants au sein d'une forêt (qu'elle soit belge ou thaïlandaise), c'est bien plus l'émanation d'une réminiscence, plus marquée et centrale dans Vinyan, qu'une référence explicite. Du Welz, bien qu'imprégné par une grande culture cinéphilique parvient à s'en démarquer suffisamment afin d'en nourrir son cinéma sans que l'on assiste à une litanie stérile de citations.
Car Vinyan, bien que travaillé par une dimension fantastique et surnaturelle prégnante, est avant tout une formidable expression fantasmagorique de la difficulté (l'impossibilité ?) pour un couple de faire le deuil de leur enfant emporté par le tsunami de 2004. C'est donc toujours avec l'espoir chevillé au corps que Jeanne (Emmanuelle Béart) et Paul (Rufus Sewell) sont restés vivre en Thaïlande à Phuket. Le mari avec l'espoir de raviver leurs relations en perdition, la femme avec celui de retrouver leur fils Joshua bien vivant.
La source d'inspiration la plus remarquable est sans conteste Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg. Moins par l'esthétique que par l'argument de base et le questionnement sur le point de vue. A travers les yeux de quel personnage suit-on l'histoire ?
Mais Vinyan rappelle également les films de Werner Herzog où l'ambiance fiévreuse due aux conditions extrêmes de tournage venait à contaminer les acteurs et donc le métrage. Avec ce film, Du Welz nous donne à vivre un parcours aussi envoûtant que déstabilisant et qui demande au spectateur une ouverture d'esprit aussi ambitieuse qu’exigeante. A l'image du film en somme. Vinyan qui rappelle également le cinéma de Lynch lors de ses moments de latence inquiète où l’étrange peut survenir à tout instant.
Au-delà des artifices de réalisation ou des références souterraines, le film de Du Welz est remarquable par sa capacité à retrouver l’esthétique, la rage, l’essence du cinéma des seventies pour donner encore plus de force à un récit somme toute basique. Le ton est donné dès le générique qui vaut comme programme à venir. Une caméra sous l’eau filme un bouillonnement de bulles, une forme fugace, des cheveux, du rouge vient teinter l’eau, le tout avec en fond sonore des cris de peur, de détresse. Soit l’écho du drame qui immerge d’emblée le spectateur. Un générique qui nous conditionne à vivre une expérience visuelle et sensorielle des plus singulière.
Outre la typographie des noms et du titre du film (Fabrice Du Welz’s Vinyan), le grésillement constant, la saturation des sons, la photo de Benoît Debie concourent à rappeler l’âge d’or du film de genre, les années 70. Le terme est lâché. Oui, Vinyan se réclame du cinéma de genre et ne peut se réduire à des effets auteurisant. La violence du propos (la marchandisation du réconfort à travers l’enfant que l’on achète impunément) ne fait jamais l’économie d’une violence plus frontale. Si Vinyan est loin d’être une succession de vignettes graphiques, les rares moments sanglants n’en sont pas moins intenses et impressionnants et font furieusement penser aux bandes cannibales italiennes des Deodato, D’Amato et consort.
Tout comme l’errance de Jeanne (dans la jungle urbaine ou birmane) rappelle le voyage au bout de la folie de Au Cœur des Ténèbres, le livre de Conrad ayant inspiré Apocalypse Now de Coppola.
Vinyan est un peu tout cela à la fois mais n’a strictement rien à voir avec un basique film d’horreur ou fantastique tapageur comme le laisse présager l’hideuse couverture du Mad Movies n° 211. Le film de Du Welz est difficile à appréhender mais il mérite d’être découvert par le plus grand nombre. Or, si Mad Movies est le seul magazine à le mettre en avant, la couverture aussi laide que hors-sujet participe paradoxalement à sa mort commerciale, voire affermit la ghettoïsation du cinéma de genre en France. Distribué dans à peine 50 salles, ce traitement indigne aura pour effet de le cloisonner dans la sphère repoussoir des films de genre qui tâchent. Et maintenant la position de Mad comme seul et ardent défenseur ? Ceci est un autre débat. Car le seul enfermement qui vaille est celui qui intervient intra diégétiquement et qui voit notre couple s’embourber dans ses convictions, ses illusions et ses fantasmes.
Si le travail visuel et sonore fourni par le réalisateur et toute son équipe est à saluer, l’immersion n’est pourtant pas totale. Les personnages ont du mal à transmettre leurs émotions et l’on se retrouve de plus en plus détaché de leur sort, à l’image de Jeanne tournant la tête pour regarder intensément le fantôme de son fils pendant que son mari s’échine sur elle. Un manque d’affect qui pourrait être rédhibitoire si la mise en scène de Du Welz ne le transcendait pas. Expurgé de tout évènement narratif, le scénario se prête à une expérimentation formelle ayant pour seul but de plonger les spectateurs de plus en plus profondément dans la fiction, dans la folie qui s’empare peu à peu des personnages comme de la pellicule.
Les rares moments de suspension, de poésie pure n’en sont que plus marquants et intrigants. Notamment la scène des « ballons » qui oppose deux conceptions bien différentes et illustre à merveille l’état d’esprit de son héroïne. Figurant les âmes des morts, ces « ballons » sont destinés à être lâchés par les autochtones, les libérant. Or Jeanne refuse d’en allumer un pour son fils, persuadé qu’elle est de le retrouver vivant. Et soudain le film bascule lorsque son interlocuteur lui demande alors d’en allumer un pour lui. Remettant ainsi en doute nos croyances les plus fondamentales (est-il un fantôme, une âme égarée ou un bonimenteur malicieux ?). Au contact de cette pensée orientale pour qui le monde des vivants et des morts coexistent sur le même plan et se reliant à l’aide de passerelles, les personnages comme le métrage vont en être irrémédiablement transformés. Signe évident et d’une intelligence rare de ce changement à l’œuvre, désormais se sont les vivants qui pénètrent le monde des morts, des fantômes. Comme le montre de manière magistrale ce plan où la caméra prend de la hauteur lorsque Jeanne et Paul passe l’entrée du temple.
Après un Calvaire réjouissant, Fabrice Du Welz poursuit son exploration des tourments de l'âme dans une débauche esthétique qui confine à l'abstraction. Quitte à sacrifier au passage tout facteur humain.
Osé, déroutant, maîtrisé, Vinyan l’est moins par son intrigue que par la formidable proposition de cinéma de son réalisateur. Des images qui affecteront longuement vos rétines et vos cœurs.
Toujours pareil, direction L'ouvreuse http://www.louvreuse.net
Publié le 04/10/2008 à 12:00 par houseofgeeks
Marek (Roshdy Zem) perd son collègue et meilleur ami lors d'une opération contre un réseau de trafiquants de drogue. Il est alors muté dans un nouveau service et formé pour infiltrer un gang de trafiquants de drogue qui importe de la résine de cannabis en grande quantité depuis l'Espagne. La méthode de transport utilisée est celle du Go Fast : des voitures chargées de drogues remontant à très grande vitesse depuis le sud de l'Espagne vers des villes françaises.
Contrairement à ce que son titre pourrait laisser penser, Go Fast n’est pas une tentative toute franchouillarde de singer les productions Neal H. Morritz et ses Fast and Furious clinquants de bêtise. Le réalisateur de la comédie surréaliste Dikkenek, Olivier Van Hoofstadt s’attaque à un sujet pour le moins original avec la volonté de s’éloigner de ce qui, à force, s’apparente à un cliché, ces personnages de flics abîmés par leur profession et la vie ou incapables de discerner la frontière entre ordre et chaos. Retour au héros positif donc. Seulement voilà, lorsque la caractérisation des personnages est esquissée à grand coup de sabre, cela donne corps à mille autres poncifs.
Dommage car la volonté du réalisateur de donner une assise naturaliste à sa mise en scène promettait beaucoup. Notamment lors du premier quart d’heure et cette planque en pleine cité de Clichy sous bois où les faits et gestes des trafiquants sont observés par le biais d’une caméra DV et écoutés à l’aide de micros cachés. Nous sommes au cœur du dispositif de la police. Immersion totale et tension palpable. De plus, Van Hoofstadt arrive à donner un cachet réaliste quasi documentaire sans bouger sa caméra dans tous les sens. Surtout, quand évidemment l’équipe en planque se fait repérer, les représailles sont immédiates et les coups de feu claquent. Une violence sèche, sans fioriture ni lyrisme. Mais à partir de ce moment où l’ami de Marek (formidable Olivier Gourmet) est éliminé, le film va tenter de soumettre plusieurs registres d’action à un scénario famélique et un récit pour le moins elliptique. Sans grande réussite.
Visiblement, Van Hoofstadt était intéressé par une peinture réaliste et naturaliste de ce milieu, avec le French Connection de Friedkin dans le rétro. Une volonté louable irrémédiablement plombé par des grands moments de comiques involontaire dont un remake de la pub du café El Gringo avec les graines de cannabis à la place du café !
De plus, l’intrigue qui englobe trop de pistes narratives est desservie par le manque d'ampleur (à peine 1h30), du coup impossible dans ces conditions de donner de l’épaisseur à des protagonistes. D’autant plus lorsqu’ils bénéficient de dialogues ineptes. Impossible de développer le moindre affect lorsqu’on assiste médusé à une succession de scènes mille fois vues (consoler la veuve éplorée avec le regard en coin pour le fiston, l’entraînement qui forge notre héros, le héros obligé d’assassiner le traître, etc…) sans la moindre tentative de les lier par un récit un tant soit peu construit ou cohérent. Car le but ultime de l’entreprise est de donner le film le plus authentique possible, celui qui se rapproche le plus de la réalité. Et de ce côté-là, c’est parfaitement réussi. C’est très documenté et même trop documentaire. Seul problème de taille, la fiction est évacuée au profit de scènes qui s’apparentent à une démonstration de force de la police. Oui l’équipe du film a pu filmer dans une banlieue « chaude », à Ketama (haut lieu de la culture haschich), a pu bénéficier du concours des forces de l’ordre, bref toutes choses habituellement peu accessibles. Mais la qualité d’un film ne doit pas se mesurer aux exploits logistiques de la production.
Suprême écueil, la difficulté pour le réalisateur de décider du registre de fiction (polar urbain ? road movie ? narco-polar ? C'est un peu l'auberge espagnole !) neutralise toute tentative de mettre en danger notre héros. Il parvient pourtant à créer une certaine tension lors de la séquence finale sur l’autoroute, lorsque un des trafiquants démasque l’infiltré grâce à une musique entendue précédemment lors de son arrestation en début de métrage. Une ritournelle qui active la reconnaissance, seule bonne idée du film, et qui rappelle Argento.
Un tel sujet aurait mérité un traitement un peu plus ambitieux et qui ne se limitent pas à faire vivre au spectateur une « go fast ». Une expérience qui peut avoir son charme mais il est difficile de prendre du plaisir à un tel spectacle où le manque d’implication du spectateur le dispute à l’absence d’enjeux esthétiques, formels et narratifs. Et après, il y en a qui font la fine bouche devant les films d’Olivier Marchal.
Critique en intégralité chez L'Ouvreuse (http://www.louvreuse.net)
Publié le 28/09/2008 à 12:00 par houseofgeeks
On a un peu tendance à l’oublier mais avant d’être de farouches revendicateurs et militants lors des cérémonies des césar (avant, après, on sait pas trop), Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri sont des artistes. Qui s’expriment autant au théâtre qu’au cinéma. Les voilà de retour après leur dernière collaboration, Comme une image, avec Parlez moi de la pluie au sujet prometteur. Agathe Villanova, féministe nouvellement engagée en politique, revient pour dix jours dans la maison de son enfance, dans le sud de la France, aider sa soeur Florence à ranger les affaires de leur mère, décédée il y a un an. Agathe n'aime pas cette région, elle en est partie dès qu'elle a pu. Mais les impératifs de la parité l'ont parachutée ici à l'occasion des prochaines échéances électorales.
Karim, et son ami Michel Ronsard entreprennent de tourner un documentaire sur Agathe Villanova, dans le cadre d'une collection sur "les femmes qui ont réussi".
Seulement voilà, alors que l’on attendait un film qui parviendrait à synthétiser leur vision artistique et politique, on se retrouve avec une œuvre qui ne fait que l’effleurer. Si nous sommes loin du compte, il n’en demeure pas moins que dans ses ambition revues à la baisse, le film du couple à la vie comme à l’écran est une réussite.
Comme chaque film scénarisé et/ou réalisé par le couple Jaoui/Bacri, Parlez moi de la pluie est extrêmement bien écrit, les dialogues merveilleusement interprétés et les acteurs au diapason les uns des autres. Même si le film s’attache plus particulièrement au parcours de trois personnages principaux Jaoui/Bacri/Jamel, tous ont leur importance et contribuent à l’ambiance mélancolique du film.
Comme toujours Jaoui s’attache au caractère intimiste de son histoire ce qui se traduit comme d’habitude par des cadres resserrés (étriqués ?) sur les personnages. Les rares échappées à l’air libre (la montée sur les hauteurs de l’arrière pays) se soldant par des échecs (panne de batterie, moutons parasitant la prise de son). Des personnages avant tout attachés et soumis aux contingences professionnelles et techniques (un documentaire sur Agathe Villanova, femme politique) et qui en oublient d’apprécier le reste.
Les quelques moments hors les murs ne peuvent cependant nous faire oublier que nous sommes en présence de théâtre filmé. Une succession de saynètes et de petits plans séquences soulignant le manque d’ampleur qui semble être le seul horizon formel d’Agnès Jaoui et de beaucoup trop d’œuvres françaises. Et ce n’est pas le genre du film choral qui le requiert. Il n’a qu’ à voir la virtuosité de la mise en scène de Paul T. Anderson avec Magnolia pour s’en convaincre. Cela peut paraître comme du pinaillage – le film fonctionnant très bien ainsi – mais c’est avant tout le symptôme d’un cinéma français incapable de transcender son sujet par sa seule mise en scène.
Malgré tout, le plaisir reste entier dans cette comédie loin d’être légère, Jaoui prenant le risque de n’offrir aucune résolution définitive à ses personnages, comme dans la vie en général. Elle ose même laisser en plan le personnage de Florence, sœur de la politicienne, dont le refus de reprendre sa vie en main s’avère rédhibitoire. Incapable de quitter son mari, elle perdra son amant, qu’elle dit aimer pourtant, et finira sous la pluie dans les bras de la gouvernante d’origine algérienne, Mimouna. Une presque dernière image particulièrement forte puisqu’en retournant près de son mari, c’est Florence qui apparaît la plus soumise quand, dans le même temps, Mimouna aura eu le courage de demander le divorce.
Cependant, le personnage de Mimouna sera pour le moins délaissé, du moins à peine exploité. Un traitement qui marque les limites du cinéma du duo Jaoui/Bacri. De fait, Jaoui oublie quelque peu cette immigrante algérienne débarquée au moment de l’indépendance à l’âge de14 ans dans les bagages de la bourgeoise famille Villanova et depuis lors à son service. La réalisatrice jouant de l’omission pour illustrer une intégration de façade. Si elle est bien traitée par les deux sœurs, il n’en demeure pas moins qu’elle vit recluse dans une bicoque mitoyenne, parmi eux mais à l’écart. Mais on ne fera que le deviner, puisque aucune image ne nous montrera cette localisation spatiale. A l’instar de son personnage, son histoire demeurera à l’arrière plan, ne servant qu’à donner une contenance, une certaine épaisseur aux autres protagonistes gravitant autour d’elle.
Mais ce qui aurait pu passer ailleurs devient ici problématique puisque n’oublions pas que le personnage central est Agathe Villanova, une militante féministe désormais politicienne. Une dimension politique bien trop vite évacuée que ce soit dans le récit, les dialogues ou les images. Une séquence est d’ailleurs emblématique de ce renoncement, de cette tentative avortée de lier la fonction à l’action. Elle intervient lors du visionnage par Michel et Agathe du premier montage des rushes par Karim. En fait, Michel tombe par hasard (il a perdu une fois de plus ses lunettes) sur un montage parallèle de son ami où des images de vidéo super 8 sont montées en parallèle avec des images tournées par les deux équipiers et montrant Agathe toujours aussi directive et dominatrice. Le montage devient même hilarant puisque parasité par des images d’une obscure série B où une femme en cuir fait claquer son fouet. Mais le montage ne se résume pas seulement à révéler la nature profonde de Agathe, il acquiert une dimension revendicatrice lorsqu’à ces images succèdent celles de sa mère, au début de son arrivée en France et maintenant, toujours au service de la famille à des générations d’écart, montage parallèle parasité lui par des images d’archives de la vie en Algérie pendant la guerre. Une séquence coup de poing qui malheureusement au lieu de refonder le récit sera à peine évoqué plus tard au détour d’un échange entre Karim et Agathe. Pire, il ne sera fait référence qu’aux images ayant trait à Agathe.
S’il ne parle pas de politique, alors quel est le véritable sujet du film ? Parlez moi de la pluie, est un film égocentré sur les souffrances, les fêlures psychiques de ses 3 personnages principaux. Agathe/Michel/Karim bénéficiant chacun à leur tour d’une séquence les voyant s’éloigner seul du lieu d’action, montrant la place centrale qu’ils occuperont dans le récit en même temps que leur isolement. Pratiquement la seule idée de mise en scène de tout le film. Mais plus que l’humiliation ordinaire dont serait victime nos protagonistes, et dont le dossier de presse se repend, c’est bien de l’absence de sollicitude dont il est ici question. Un mot qui échappe littéralement à Agathe pour les besoins de mots-croisés.
Parlez moi de la pluie est un film touchant, très drôle, au plus près de ses personnages dont on devine le passé traumatisant sans que celui-ci ne s’impose outrageusement.
Agnès Jaoui reste donc dans un registre connu et qu’elle maîtrise parfaitement, rien à redire. Mais quel dommage que ses velléités d’ouvrir et de donner une profondeur à son intrigue se soient contentées d’illustrer ce que sont bien souvent les discours politiques, de simples effets d’annonce.