Après la petite preview sur D-War revenons donc sur un film "monstrueux" Sud-Coréen. Monstrueux dans tous les sens du terme car si les différents registres et thèmes abordés foisonnent, il met surtout en scène une espèce de têtard mutant géant qui va tout dévaster au pays du matin calme. Je veux bien sûr parler de l'étonnant et honteusement ignoré "The Host" de Bong Joon-Ho !
Découvert à Cannes en 2006 lors de la quinzaine des réalisateurs, c'est bien plus qu'un ersatz de Godzilla. Car sous prétexte de faire un film bien fun et décomplexé, le réal nous livre rien moins qu'un point de situation de la société sud-coréenne actuelle travaillée par son inertie face à l'influence et le protectorat américain !
Déjà, le film commence quand un scientifique américain ordonne à un sous-fifre sud-coréen de déverser dans l'évier (et donc direction le fleuve Han) des litres de produits chimiques et toxiques. Celui-ci exécute, contraint et forcé certes mais surtout meurtri de sa lâcheté et de sa soumission. Evidemment, c'est suite à cet "incident" qu'une mutation intervient et des années plus tard va surgir des flots un croisement géant entre un têtard donc, un poisson, un calamar et je ne sais quoi encore. Son but dans l'existence ? Se nourrir, et ce quelque soit le côté du fleuve. Et cela revêt une certaine importance car le fleuve Han est une sorte de frontière entre d'un côté de la berge la population aisée et de l'autre les pauvres et autres exclus.
C'est lors de la première attaque que surgit le drame. Outre les dizaines de victimes, dont un amerloque body-buildé se la jouant sauveur du jour (symbole assez explicite je pense), la créature va s'emparer d'une gamine et l'emmener dans son antre (ou plutôt son garde-manger), sous un pont de l'autre côté du fleuve. Les rebuts avec les rebuts en somme. Première lecture possible, je vous laisse le soin de décrypter, je vais pas tout vous faire non plus !
Le père part donc à sa recherche, aidé de sa famille. Son propre père tient une épicerie décrépie sur les bords du fleuve, sa sœur est une championne du tir à l'arc un brin déconnectée (limite autiste(, tandis que son frère, un ancien activiste révolutionnaire, est au chômage et alcoolique. Bref, une sacrée famille "tuyau de poêle" !
Et cette famille, finalement assez représentative de la société sud-coréenne contemporaine, dysfonctionnelle au possible va se révéler contre toute attente capable de réagir collectivement. Ainsi, la créature est d'après les autorités yankees l'hôte d'un dangereux virus que seul une substance chimique, l'agent jaune (qui renvoie à l'agent orange, produit réellement utilisé par l'armée américaine pendant la première guerre d'Irak), peut éradiquer. Bien entendu, c'est cette Amérique omniprésente qui fait figure d'hôte un peu gênant....
Bon, outre la riche thématique politique et sociologique de l'œuvre, faut pas oublier que c'est avant tout un putain de film de monstre ! Et à ce titre, la créature est absolument d'enfer, d'une agilité incroyable dans ses déplacements et ses attaques sont brutales et dévastatrices à souhait ! Un pur bonheur.
Mais ce qui fait vraiment la différence c'est le soin apporté au cadre (composition, photographie, lumière...) et surtout les différents registres sur lesquels se joue l'histoire. On passe allègrement d'une scène d'action au drame pour finir par un comique burlesque ! Mieux, ces trois registres pouvant fonctionner dans la même scène !! Lors de la mort du grand-père de la petite fille enlevée, notamment, toute la palette des émotions y passe. Du grand art.
Ce qui est également intéressant c'est que jamais le réalisateur ne considère ces personnages avec dédain , il ne se moque pas d'eux et du genre dans lequel il évolue. Parce que vous pouvez me croire, le remake que les ricains vont sûrement faire sera d'une toute autre trempe, cynique et condescendant au possible !
Si vous voulez voir un film de monstre réflexif, très fun, marrant, bien stressant et mélodramatique (pas au sens péjoratif du terme), vous savez ce qu'il vous reste à faire....Vous ruez pour acheter (volez le s'il le faut ! Non, je déconne) le dvd !! Sinon, c'est bientôt noël...